La relation au travail change. Peut-être est-ce le fruit de la crise de confiance vis-à-vis du monde du travail ? Crise dont l’origine remonte bien avant le choc financier de la fin des années 2000. En conséquence, on aspire aujourd’hui à prendre les commandes de sa trajectoire professionnelle. D’autres vont même jusqu’à chercher de nouveaux moyens de gagner leur vie.
Tant de salariés se sont vus remercier depuis la fin des années 1970, et de plus en plus souvent sans ménagement, que l’idée de faire carrière dans une seule et même entreprise a fait son temps. Autre motif de désamour à l’égard de l’entreprise, le stress au travail. Stress dû en partie aux contraintes économiques, elles-mêmes fâchées avec les relations humaines. Plus la pression s’accroît, plus les liens entre le salarié et l’entreprise se distendent.
« Circulez, y a rien à voir ! »
La méfiance, voire le rejet engendré par le nouveau rapport entre l’humain et l’entreprise génèrent de nouveaux comportements. L’investissement sans borne, les horaires à rallonge semblent en voie de disparition. De plus en plus d’hommes et de femmes aspirent à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : consacrer plus de temps à ses proches, s’impliquer dans l’éducation des enfants, s’engager dans la vie sociale ou locale, se livrer à ses passe-temps favoris. Autre conséquence à cela, nombre d’entre nous rêvent d’autonomie et d’indépendance. Certes, tout le monde ne peut s’adapter aux modes de vie que requiert ce statut et beaucoup n’ont pas la capacité de surmonter l’angoisse du lendemain. Mais l’envie de gagner sa vie en dehors de l’entreprise se répand.
Funemployment ?
Certains décident de quitter leur boîte ne supportant plus leur situation professionnelle. Victimes de licenciement, d’autres se sentent pris au dépourvu. Ce n’est qu’une fois passé le choc de la rupture, qu’une partie d’entre eux décident de profiter de cette période pour s’engager dans une nouvelle voie. Ils changent de métier, de statut ou optent pour une nouvelle forme de travail. Aux États-Unis, on a même créé un terme pour qualifier un « phénomène » équivalent : le « funemployment« , contraction de « fun » et de « chômage » en anglais. Momentanément sans emploi, ces personnes tentent de réaliser les projets qui leur tiennent à cœur : suivre une formation, faire le tour du monde, partir en mission humanitaire, ou tout simplement prendre du bon temps avant d’attaquer une nouvelle période intensive de travail. A la marge, quelques-uns renoncent même à travailler. De l’autre côté de l’Atlantique, comme ici, les adeptes de cette posture sont plutôt célibataires et ont entre vingt et trente ans. Mais attention, la cible s’élargit.
Voir le chômage du bon côté
Il ne s’agit pas uniquement d’un phénomène de mode, comme les médias aiment à les faire et les défaire, mais plutôt d’une vraie tendance qui consiste à transformer la situation de crise en étape positive. Puisque ces périodes chômées semblent inévitables, nous sommes de plus en plus nombreux à prendre conscience de l’intérêt d’une telle démarche. Autant employer ce temps intermédiaire à bon escient, et surtout sans culpabiliser. Le but : préparer la période de travail à venir. Parmi les options, on peut prendre le recul nécessaire pour construire ou concrétiser son projet, passer à l’action par petites touches pour créer son propre job par exemple et ne plus dépendre d’une entreprise. Bref, en profiter pour rebondir et avancer en s’appuyant sur les nombreux moyens et dispositifs existants. Bien entendu, adopter cette attitude n’exonère pas des préoccupations financières. Au contraire. Appréhender cet aspect en amont atténue la légitime angoisse de la subsistance à laquelle la quasi totalité d’entre nous est évidemment confrontée.
@Gaëlle : pour avoir vécu tout gamin le chômage de mon père pendant une période de plus de deux ans suite à la fermeture de l’entreprise dans laquelle il travaillait, j’ai une conscience assez aigüe de ce qu’entraîne une période comme celle-là dans la vie d’une famille. En 1979, en plus de la difficulté à rebondir à 45 ans, la honte s’abattait sur ceux victimes d’un licenciement. Nous n’étions pas encore conscients que, quelques décennies plus tard, des millions de personnes seraient concernées.
Cette expérience m’a convaincu d’une chose, il fallait que je fasse le maximum (pas toujours possible je le sais) pour avoir la main sur mon cheminement professionnel. C’est pourquoi j’inscris Toutpourchanger.com dans cet esprit.
La souffrance au chômage, on en parle, beaucoup la vivent. Ici, j’ai envie de mettre en avant un autre message, qui ne gomme ni les conséquences dramatiques, ni la difficulté à rebondir. Je tiens à continuer dans cet état d’esprit, à montrer qu’il existe parfois une autre voie et qu’on peut tenter de tirer parti d’une telle situation. Sans pour autant que l’angoisse du lendemain ne s’efface. Et je vous remercie jomig de le souligner grâce à votre témoignage.
Merci Gaëlle et jomig de vos commentaires en or. 😉
Après 32 ans, d’une part j’avais fait le tour de ma fonction et savais que je ne pouvais espérer aller plus haut (pour cause de gens déjà en place, deuxio j’étais harassée par les contraintes et la production à tout prix, et… la politique politicienne dans l’entreprise. Je suis donc au chomage depuis un an, j’ai eu deux projets et assez rapidement je me suis aperçue que ce n’était que des « fantasmes ». J’ai 57 ans, je suis une femme, et je retourne vivre définitivement en Bretagne, donc… à moins d’un miracle, je pense que je ne retrouverai pas de travail. J’ai finalement fait mienne l’idée de ne plus travailler. Je n’ai déjà plus le même niveau de vie qu’avant, je l’aurai évidemment de moins en moins je le sais, notamment à la retraite. Alors, j’apprends à me « désencombrer de l’inutile » et m’ouvrir de plus en plus à ce que j’aime (la nature notamment), à ceux que j’aime, et… à MOI (lecture, écriture, développement personnel, curiosité, sieste…) !! Je suis plus tranquille, enfin je suis honnête avec moi-même et la vie. Cela peut être douloureux, car certaines personnes ne le comprennent ni ne l’admettent, mais je suis fière de moi, je me re-trouve! Ce qui ne m’empêche pas de penser à ceux qui subissent le chomage ou la précarité, et donnant du temps aux assoces (pas encore assez, mais quand j’aurais déménagé, fin Mars, je ferai plus et mieux).
Ton billet me fait penser à un livre très intéressant « Remettre le travail à sa (juste) place » écrit Catherine Viot avec la collaboration de Luce Janin-Devillars dont j’avais parlé sur mon blog et qui montre que le rapport au travail évolue et les différentes façons dont les personnes au cours de leur vie font évoluer leur trajectoire professionnelle.
En revanche, je ne suis pas sûre qu’une période de chômage soit tjrs la meilleure période pour changer. Bien sûr, elle peut servir de déclencheur, d’électro-choc, de « bon » prétexte pour évoluer. Je connais des personnes qui en ont profité pour se former (dont moi !), pour faire un bilan de compétences, voire se reconvertir. Ceci étant, il me semble que le chômage reste une période de fragilisation pour beaucoup de personnes. C’est une situation inconfortable, déstabilisante et dans ce sens, pas toujours propice pour un changement important qui demande de l’énergie, de l’optimisme, etc. C’est pour cela que penser et préparer un changement lorsque l’on est en poste peut être plus « confortable ».
Quant au phénomène du funemployement, il me semble (comme tu le soulignes d’ailleurs) réservé à une toute petite minorité qui peut se permettre de vivre le chômage comme une période plaisante et enrichissante…Ponctuellement, peut-être, mais globalement cela reste une étape difficile et souvent ingrate. Enfin, c’est mon humble avis !