L’excitation que ressentent les candidats peut les dynamiser et augmenter leurs chances de succès, souligne une étude de l’Edhec. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le stress peut être un stimulant efficace pour trouver un poste.
Philippe Huguen / AFP
Serge da Motta Veiga, EDHEC Business School
La recherche d’un emploi est une véritable montagne russe émotionnelle. Les demandeurs d’emploi passent d’innombrables heures à préparer et à réviser leur CV, à postuler en ligne, à entrer en contact avec leurs réseaux dans l’attente d’un entretien. Très souvent, ils n’obtiennent pas de nouvelles. Et lorsque les candidats finissent par obtenir un entretien, il y a la préparation, l’entretien lui-même, et puis encore plus d’attente. Enfin, si tout se passe bien arrive l’offre d’emploi et le processus de négociation qui l’accompagne.
Tout au long de ces étapes et de ces expériences de recherche d’emploi, les individus sont susceptibles de ressentir un large éventail d’émotions. Un article récent publié dans Forbes suggère que la plupart des demandeurs d’emploi ne se préparent pas bien, voire pas du tout, au voyage émotionnel qu’est la recherche d’un emploi, et que cela peut en fait faire ou défaire le succès de la recherche d’un emploi.
Dans une étude publiée dans Human Resource Management, nous avons constaté que toutes les émotions ne sont pas les mêmes dans la manière dont elles influencent les efforts et la réussite des demandeurs d’emploi dans leur recherche d’emploi. Nous avons également constaté que tout le monde ne réagit pas de la même manière à ces expériences émotionnelles et ne les transforme pas en succès.
Mais en quoi les émotions sont-elles différentes ? Et en quoi les gens sont-ils différents dans leurs réactions à ces émotions ? Les émotions sont essentielles dans de nombreuses situations, notamment la recherche d’un emploi. Tant leur compréhension que leur gestion peuvent être très utiles.
Toutes les émotions ne se valent pas…
La recherche montre que les émotions positives ont tendance à donner de meilleurs résultats dans la recherche d’emploi que les émotions négatives. Nous avons aussi constaté que toutes les émotions positives ou négatives ne sont pas identiques.
Lorsque les individus ont ressenti de l’excitation ou du stress (émotions positives et négatives en cas de forte excitation) pendant leur recherche d’emploi, ils ont été dynamisés et motivés pour travailler plus dur en vue de trouver un emploi. En revanche, lorsqu’ils ont éprouvé du soulagement ou de la tristesse (émotions positives et négatives avec une faible excitation), ils manquaient d’énergie et finissaient par être moins persistants dans leur recherche d’emploi.
Nous avons également constaté que lorsque les demandeurs d’emploi faisaient plus d’efforts, en raison de l’excitation ou du stress qu’ils ressentaient, ils obtenaient davantage d’entretiens et d’offres d’emploi.
Concrètement, ces résultats suggèrent que les individus ont besoin de mieux comprendre les émotions qu’ils ressentent lorsqu’ils recherchent un emploi, notamment le niveau de stimulation, et la manière dont les émotions telles que l’excitation et le stress peuvent influencer positivement leurs efforts et leur succès.
Si les émotions peuvent être la clé de l’effort et de la réussite d’une personne dans sa recherche d’emploi, nous avons constaté qu’il existe également des aspects clés liés aux demandeurs d’emploi eux-mêmes qui entrent en jeu dans la façon dont ils interprètent et agissent sur ces expériences émotionnelles.
Un levier de confiance
En général, les individus ont des opinions et des croyances différentes sur eux-mêmes, y compris sur leurs capacités et le contrôle des résultats de leur vie. Ce trait relativement stable est appelé auto-évaluation de base. Les personnes qui ont des auto-évaluations de base élevées ont tendance à avoir une opinion positive d’elles-mêmes et à avoir confiance en leurs capacités.
Dans cette étude, nous avons constaté que seuls les demandeurs d’emploi ayant une auto-évaluation de base élevée interprètent et agissent en fonction des émotions fortes qu’ils ressentent lors de leur recherche d’emploi. Autrement dit, lorsque les demandeurs d’emploi ont ressenti de l’excitation ou du stress, seuls ceux qui avaient une opinion positive d’eux-mêmes ont fait plus d’efforts, et ont obtenu en retour un plus grand succès.
Concrètement, nous avons constaté que non seulement les émotions ne sont pas toutes les mêmes, mais aussi que les individus réagissent différemment à des expériences d’excitation ou de stress lorsqu’ils passent par différentes étapes de recherche d’emploi.
Comprendre et gérer ses émotions
Les demandeurs d’emploi doivent ainsi tenir compte du fait que, contrairement à la ce que l’on pourrait croire, toutes les émotions positives ne sont pas bénéfiques, et toutes les émotions négatives ne sont pas nuisibles. Bien que le stress ait traditionnellement été considéré comme préjudiciable dans la recherche d’un emploi, nous montrons que le stress peut stimuler la recherche d’un emploi.
Aussi, bien qu’il soit difficile pour les demandeurs d’emploi de contrôler pleinement leurs émotions, tous les types d’émotions n’ont pas la même influence sur le déroulement de leur recherche d’emploi. Il est donc important de gérer ces expériences émotionnelles, car elles peuvent être très bénéfiques pour la réussite de leur recherche d’emploi.
Enfin, bien que l’auto-évaluation de base soit un trait relativement stable, les demandeurs d’emploi peuvent renforcer leur confiance en leurs capacités grâce à des programmes de formation formels, des expériences pratiques et des conseils de carrière.
Au cours des derniers mois, la crise de la Covid-19 a perturbé l’économie d’une manière sans précédent et a conduit à ce qu’un plus grand nombre de personnes reprennent la recherche d’un emploi depuis leur domicile. Aujourd’hui, plus que jamais, il est essentiel que les demandeurs d’emploi comprennent et gèrent leurs émotions de manière à les aider à réussir et à renforcer leur confiance en eux.
Serge da Motta Veiga, Professeur en Gestion des Ressources Humaines, EDHEC Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.