Comment imaginer, au moment de valider une commande sur Internet, des pratiques dignes d’un autre siècle. Aux États-Unis, un magazine a mené l’enquête au sein d’un entrepôt géant où des employés maltraités perçoivent un salaire de misère. Cauchemardesque.
Que sait-on réellement des conditions de travail des personnes chargées de traiter nos commandes de produits à distance ? Certes, le web révolutionne nos modes de consommation, mais pas seulement. J’ai découvert avec stupéfaction un article publié récemment dans l’hebdo « Courrier International ». A l’origine, il s’agit de la traduction d’un papier paru aux États-Unis dans le magazine « Mother Jones ». Il relate l’expérience d’une journaliste qui, sur un principe similaire à celui utilisé par Florence Aubenas lorsqu’elle s’était mise dans la peau d’une femme de ménage pendant six mois pour son enquête intitulée Le quai de Ouistreham*, fait une plongée en enfer.
Les « petits inconvénients » de la consommation à distance
L’immersion en milieu précaire de la journaliste américaine Mac McClelland a été très remarquée là-bas. Missionnée par son journal pour se faire embaucher dans l’entrepôt d’un géant de la vente en ligne, dans une ville de l’ouest du Mississipi, elle a passé plusieurs jours au milieu de stocks considérables d’objets et de livres distribués par des sociétés aux profits colossaux. Elle raconte l’humiliation et la pression subies par des employés sous-payés et déconsidérés et des pratiques « largement répandues » dans ce secteur. On y découvre une catégorie de la population américaine qui vit de petits boulots plus ou moins rétribués. Confrontées à la crise, des personnes passent même leur vie à circuler en camping-car de contrat précaire en contrat précaire. Les entreprises les moins scrupuleuses ne manquent pas de candidats pour des postes ou des missions où l’exploitation règne.
Règles et objectifs intenables
« Comme à l’armée, ils vous cassent pour pouvoir faire de vous ce qu’ils veulent », prévient une employée de la chambre de commerce locale à la journaliste avant même qu’elle n’ait posé un pied dans l’entrepôt. Après une session de recrutement et toute une batterie de tests divers et variés, elle est finalement recrutée pour effectuer ses 10 heures de travail par jour auxquelles s’ajoutent quelques heures supplémentaires. Comme les autres recrutés, on lui fixe des objectifs inatteignables et on lui annonce les règles à respecter sous peine d’être viré à tout moment et sans préavis. Pour illustrer l’interdiction de rater un jour de la formation préalable, l’intervenante leur rappelle le cas de Brian, présent ce jour-là. « Il a déjà suivi cette formation, mais pendant sa première semaine de travail, sa femme a accouché. Brian a raté un jour et il a fallu le renvoyer. Tout reprendre à partir de zéro a coûté à ce jeune père plusieurs semaines de salaire ». No comment.
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