Que risque-t-on à tricher sur son CV ?

Environ deux personnes sur trois mentiraient sur leur CV. Mais que risque un candidat pris la main dans le sac ?

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Hubert Jaspard, École des hautes études en santé publique (EHESP)

Dans le film L’homme qui tua Liberty Valance (titre original, The Man Who Shot Liberty Valance), sorti en 1962, le réalisateur John Ford fait dire au directeur d’un journal : « dans l’Ouest, quand la légende est plus belle que la réalité, on publie la légende ». De là à vouloir falsifier son CV pour qu’il retienne l’attention des recruteurs sur le marché de l’emploi, il n’y a qu’un pas !

En effet, qui n’a pas été tenté d’enjoliver la réalité de son parcours professionnel ? Changer quelques dates ? S’attribuer quelques résultats ou objectifs atteints par d’autres ?

Une première étude réalisée par le cabinet de recrutement Florian Mantione Institut reprise dans « Le livre noir des CV trompeurs » évalue à 65 % les CV qui travestissent la réalité. Cette étude a été réalisée en 2018 auprès de 289 chefs d’entreprise, 50 directeurs des ressources humaines et 100 candidats. Dans un article publié la même année, un cabinet spécialisé dans la vérification des CV aboutit exactement aux mêmes chiffre et note que 65 % des CV contrôlés comportent au moins une anomalie.

Mais que risquent les tricheurs ? Notons d’abord que, pour les recruteurs, mentir sur son CV est bien évidemment un critère d’élimination des candidats. D’ailleurs, un recruteur sur deux environ déclare avoir recalé un candidat, qui est d’ailleurs tenu de répondre de bonne foi aux informations nécessaire pour exercer un emploi, après avoir découvert des anomalies dans le CV.

Si le candidat n’est pas démasqué et qu’il est recruté, le deuxième risque est de se retrouver fort dépourvu au moment d’exercer ses missions. Un interprète qui doit assurer la traduction d’un colloque ou d’une conférence se trouvera en fort mauvaise posture auprès de son auditoire s’il ne maîtrise que très imparfaitement une langue étrangère. De même, le responsable financier qui ne comprendrait pas les notions de liasses fiscales, de clôture de fin d’année, ou encore de budget prévisionnel, sera rapidement confronté au courroux de son employeur. On pourrait multiplier ces exemples qui placent le candidat dans une situation plus qu’inconfortable.

Le troisième risque relève d’un manquement à ce que nous pouvons appeler la déontologie. Même si un contrat de travail ne mentionne aucune clause aux notions de sincérité, de confiance et d’honnêteté, la loyauté et la bonne foi constituent des fondements du droit civil français. Le code du travail dispose ainsi que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Dans ce cas, le candidat retenu risque d’être confronté à la loi. Un menteur patenté s’expose donc à une procédure de licenciement pour faute grave à l’issue incertaine néanmoins.

Mentir sur son CV, quels sont les risques ? (Le Parisien, 2015).

Petits arrangements avec la réalité

Dans les faits, il apparaît toutefois qu’une certaine mansuétude existe sur cette notion de bonne foi de la part des candidats. Il s’agirait d’un « pêché » largement répandu, qui pourrait même constituer une compétence recherchée. Selon la littérature, les estimations varient, mais on estime que 70 % à 90 % des candidats trouvent normal d’arranger leur CV. Il ne s’agit pas d’un mensonge mais plutôt une manière d’améliorer ses chances en « tordant » quelques éléments du CV pour montrer que l’on est la bonne personne pour la bonne place. En quelque sorte, on peut parler de petits arrangements avec la réalité plutôt que de gros mensonges.

Un recruteur sur deux environ déclare avoir recalé un candidat après avoir découvert des anomalies dans le CV.
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Pour résumer, on peut classer les « tricheries » dans deux catégories : celles qui relèvent d’une fraude manifeste et sont éliminatoires, et les autres, ces fameux petits arrangements qui prêtent moins à conséquence.

Dans la première catégorie, on trouve les tromperies portant sur un diplôme, un titre, un permis ou une qualification. Il s’agit « d’erreurs » assez répandues (un candidat sur quatre). Attention ! Elles sont assez rédhibitoires pour les recruteurs – et surtout risquées. Les grandes écoles ont souvent des annuaires d’anciens élèves et le candidat peut en effet être rapidement démasqué. Quant à l’usurpation de diplômes professionnels (infirmiers, médecins par exemple), l’usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée expose les contrevenants à des sanctions pénales. Sans parler ici d’un faux permis de conduire poids lourds ou autre. Il s’agit là fort heureusement de cas très marginaux, mais qui existent néanmoins.

Dans une catégorie similaire, on peut évoquer tous les mensonges liés aux compétences, qu’il s’agisse de la maîtrise des langues, d’un logiciel ou d’un savoir-faire particulier. Le risque ici est de ne pas pouvoir assumer les missions attachées à un poste particulier. Si le CV peut faire illusion, il y a fort à parier que le candidat ne se trouve dans une situation inconfortable lors de l’entretien. Sans parler du moment où le candidat finalement retenu sera incapable de réaliser le travail pour lequel il est recruté.

Attirer l’œil des recruteurs

Enfin, on trouve dans cette catégorie des « fraudes manifestes », comme les mensonges sur la carrière ou les responsabilités exercées. Le risque, là encore, est que la supercherie soit découverte. Les exemples sont nombreux : s’attribuer des compétences de managers ou de dirigeants sans avoir exercé ses fonctions, travailler dans une entreprise qui n’a jamais existé, exagérer des succès et des objectifs atteints par d’autres.

70 % à 90 % des candidats trouvent normal d’arranger leur CV.
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Alors, c’est la crédibilité du candidat qui est en cause et la relation de confiance qui pourra être rapidement altérée. Bref, à ne tenter qu’avec une extrême modération.

S’agissant des petits arrangements, ils sont également nombreux. On peut ainsi se trouver une adresse à proximité de l’employeur dans le souci de montrer que l’accessibilité sera facilitée. Ou indiquer que l’on est mobile, une notion qui prête à interprétation. Il est ainsi plus facile d’habiter au Mans et travailler à proximité de la gare Montparnasse que de devoir traverser Paris aux heures de pointe.

Le candidat peut également « tirer » sur le temps en ne précisant pas les mois d’arrivée et de départ des entreprises dans lesquelles il a travaillé. Cela est d’autant plus anodin que les expériences ont été longues.

Adapter son CV en fonction des compétences requises reste recommandé. Il ne s’agit pas ici de mentir, mais plutôt d’omettre ou d’insister sur certains éléments particuliers qui attirent l’œil des recruteurs au regard des compétences recherchées.

En bref, le salarié s’expose surtout s’il s’attribue des compétences ou un diplôme (relevant d’une profession réglementée) qu’il n’a pas. Il pourra néanmoins toujours invoquer que, s’il a triché, il appartenait à l’employeur, conformément à la loi du 3 décembre 1992, de vérifier les informations présentes sur les CV avant toute embauche !The Conversation

Hubert Jaspard, Enseignant vacataire, École des hautes études en santé publique (EHESP)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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