Aujourd’hui encore, ce sont les mères qui s’acquittent de 80 % des tâches ménagères et éducatives, gagnent 27 % de moins, doivent annoncer leur grossesse à leur employeur… Quand elles travaillent, elles sont tiraillées en permanence entre leur volonté de s’épanouir au travail et leurs obligations à la maison, et vice versa. Et en période de crise, les femmes sont les premières à trinquer et on tente de les renvoyer à la maison quand elles ont des enfants afin de laisser la place aux hommes. C’est pourquoi, l’association Maman travaille organise une conférence pour que ça change ! Interview de Marlène Schiappa (photo), fondatrice et co-organisatrice.
TPC.com : Pourquoi une journée consacrée à ce thème ?
Avec le blog Maman travaille, et les événements organisés par le réseau, je me suis rendu compte depuis 2008 qu’il existait de nombreux expert-es pointu-es du sujet, des sociologues, des maîtres de conférence, des auteurs, des hauts fonctionnaires… et que ces experts ne rencontraient pas toujours les principaux concernés : les mères actives, mais aussi les pères, et bien sûr les entreprises qui les font travailler. Avec cette journée des mères actives, nous espérons que la rencontre se fera, que le débat s’ouvrira. Et, aussi, que les projecteurs seront mis sur ce thème ô combien important de l’équilibre entre travail et vie de famille.
TPC.com : Concrètement, quel est le diagnostic de situation concernant les mères qui travaillent ?
Les mères qui travaillent sont tiraillées en permanence entre leur volonté de s’épanouir au travail et leurs obligations à la maison, et vice versa. Parfois on frôle la schizophrénie quand certaines disent ne pas évoquer leur maternité au bureau pour ne pas être vue « comme une mère » et inversement, arriver en retard à la crèche, cheveux en bataille, après avoir quitté une réunion primordiale et se faire houspiller par la directrice pour trois minutes de retard…
C’est une contradiction permanente ; et le manque de volonté politique (350 000 places en crèche manquantes selon le rapport Tabarot, par exemple) ne nous laisse que peu d’espoirs.
On se heurte aussi à des stéréotypes, à des blocages inconscients ou non comme ces pères qui s’entendent dire « votre femme peut pas le faire ? » quand ils demandent une journée enfant-malade à leur employeur…
En période de crise, les femmes sont les premières à trinquer et on tente de renvoyer les mères à la maison afin de libérer quelques chères places sur le marché du travail. Les mères doivent encore dans certains milieux se battre (certes pas juridiquement mais moralement, psychologiquement) pour avoir le droit de travailler, un droit pourtant obtenu de longue date ! Ce n’est pas admissible.
TPC.com : Quelles propositions faites-vous pour changer les choses ?
Nous avons établi une liste de dix propositions, la première porte sur l’allongement d congé paternité, mais aussi l’obligation pour les entreprises de participer à des crèches, le rétablissement d’un service public de la petite enfance, ou la généralisation et l’encadrement du télétravail… Lors de cette Journée, nous débattrons ensemble des pistes à suivre.
TPC.com : Qu’en attendez-vous ? Quels résultats escomptés ?
Nous attendons que chaque intervenant, chaque participant, reparte en ayant appris quelque chose. Nous-même en préparant cette journée nous apprenons chaque jour, par exemple saviez-vous qu’en Espagne il y a des entreprises qui financent les modes de garde de leurs salariés ? Nous souhaitons que les entreprises échangent sur leurs bonnes pratiques, leurs politiques liés à la mixité professionnelle, au télétravail, que les pouvoirs publics mettent en place de vraies actions concernant les modes de garde, que les mères actives repartent boostées ! Nous espérons aussi que les pères se sentiront concernés : à ce jour 10 % des réservations sont faites par des hommes, et c’est une vraie surprise.
TPC.com : Quelle suite sera donnée à ce travail et à ces échanges ?
Les échanges seront captés, et retranscrits : nous garderons un contact avec tous les intervenants, les conférenciers comme les entreprises, en vue de notre deuxième édition, l’année prochaine, pour laquelle nous avons déjà, au sein de l’équipe projet Maman travaille qui compte une douzaine de femmes, des idées nouvelles ! Au-delà, cette conférence est la première pierre de notre toute jeune Association, menée notamment par Stéphanie Will et Céline Arga.
TPC.com : Est-ce un hasard si elle s’organise à la veille d’échéances électorales majeures ?
Non, bien sûr. Nous agissons comme un mini lobby, nous avons rencontré des Secrétariats d’Etat, Anne Hidalgo à la Mairie de Paris, des maires de villes de région parisienne, nous dialoguons avec des villes du Sud Ouest et du Nord et avons été reçues par une vingtaine de DRH de grandes entreprises françaises. D’ailleurs, Carrefour, La Poste et d’autres elles interviennent à la Conférence.
Il y a un énorme travail de sensibilisation à faire : aucun candidat ne parle de la difficulté à concilier carrière et parentalité alors que ça touche à l’emploi, aux transports, à la famille… c’est central, c’est quotidien. Et de nombreux enjeux politiques en découlent ; ne serait-ce que l’égalité hommes/femmes.
TPC.com : Enfin, utiliser le terme Maman n’est-il pas connoté ?
Si, évidemment, ça l’est. C’est une volonté. A la création du blog et du réseau en 2008 c’était une manière de jouer les contrastes : le terme « maman » ramenant à la sphère privée et le terme « travaille » faisant référence à la vie active. C’est la dualité, la contradiction entre les deux qui est soulignée ici… Il s’agit de faire la jonction entre les associations de « mèredeuf » et les réseaux de « carriéristes ». Pour l’anecdote quand j’ai monté Maman travaille, je venais de mettre fin à mon précédent projet qui s’appelait « Les Pasionarias ». C’était horrible pour les services de presse, personne ne se souvenait du nom ou ne savait comment l’écrire ou le prononcer. Avec « maman travaille », note but est atteint, tout le monde se souvient du nom et il appelle à réactions…
Au-delà, si la question porte sur le fait que ce soit « maman » et non « papa », c’est parce qu’aujourd’hui ce sont les mères qui prennent un congé maternité, sont victimes du plafond de verre, s’acquittent de 80 % des tâches ménagères et éducatives, gagnent 27 % de moins, doivent annoncer leur grossesse à leur employeur… On avait créé un blog « Papa travaille » en 2009 mais il n’était visité quasi que par des femmes.
Après, si on doit rester politiquement correct on peut dire « papa et maman et grand parents et personnes sans enfants de tous genres, toutes orientations sexuelles, toutes origines et tous milieux sociaux exerçant ou non une activité professionnelle de toute sorte » mais ça n’est plus un réseau de mères actives qui par définition, est connoté !
Première journée des mères actives organisée par Maman travaille
Jeudi 09 février à Paris