En quoi le métier de professeur·e peut-il répondre aux aspirations des étudiant·es refroidi·es par la réforme des retraites (« les professeurs seront les grands perdants, etc. ») qui hésitent cette année plus que les précédentes à devenir professeur·es ? Rémi Boyer, président-fondateur de l’association Aide aux Profs, propose une solution pour choisir en toute connaissance de cause.
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La plupart des études universitaires de la Licence au Master2 ont comme débouché principal les concours de la fonction publique, et bon nombre d’étudiants attendent d’être en Licence avant d’avoir une idée précise du métier qu’ils souhaitent exercer, si l’on considère le fort taux d’échecs dans les deux premières années des licences universitaires.
Une solution : le contrat de projet
Au lieu de penser « à vie » son entrée sur le marché du travail, que ce soit par concours ou par contrat, l’étudiant qui a souvent pratiqué en saisonnier ou tout au long de l’année un emploi pour financer ses études ou un train de vie difficile notamment dans les grandes zones urbaines où se situent justement les meilleures universités, a grâce à la loi Dussopt n°2019-828 du 6 août 2019 (loi dite de transformation de la fonction publique) publiée au JORF le 7 août 2019, toute latitude d’aborder autrement le métier de professeur. Il peut décider de commencer par le Contrat de Projet que lui propose le décret n°2020-172 du 27 février 2020, d’une durée de 1 à 6 ans, afin d’évaluer si son tempérament lui permettra d’y réussir et de s’y sentir en confiance, ou si cette expérience qu’il pourra interrompre à tout moment aura été une erreur de trajectoire (ce qui lui sera impossible de faire entre le 2 septembre et le 7 juillet d’une année scolaire s’il a réussi un concours, puisque l’Education nationale depuis 2011 empêche autant que faire se peut ses professeurs de démissionner durant ces 10 mois, en multipliant les « nécessités de service » à cet effet).
Tout savoir du métier avant de s’engager
L’étudiant est rarement chargé de famille avec enfants, et n’a de connaissance de la psychologie des enfants que par son propre vécu, ou pour certains par leur expérience d’animateur de centre de loisirs ou de vacances, et dans une moindre mesure par le soutien scolaire individuel, ou par l’emploi d’Assistant d’Education occupé dans un collège ou un lycée, ou celui d’Assistant de Vie Scolaire (AVS) en école ou collège.
Très investi dans l’apprentissage de sa future discipline d’enseignement et dans tous les aspects techniques que les Sciences de l’Education sont venues y greffer depuis les années 90 avec parfois des excès d’épistémologie et de didactique, il ressentira rapidement un grand décalage intellectuel avec les publics qui lui seront confiés (plus de 15 % des élèves en 6e savent à peine lire et écrire) et sa confiance et son estime de soi seront mises à rude épreuve. Ainsi, comme l’a bien décrit Laurence Bergugnat de l’université de Bordeaux en 2011, le burn-out peut affecter jusqu’à plus de 14 % des jeunes professeurs des écoles dans les 2 premières années d’enseignement.
Entrer enthousiaste et dynamique dans le métier de professeur puis en repartir déprimé(e) ou épuisé(e) dans les années qui suivent est une véritable catastrophe personnelle, et pour l’entourage familial.
Aucune prévention des difficultés inhérentes au métier de professeur n’existe en France ni dans un quelconque autre pays, et nous avons voulu l’amorcer avec le portail Devenir prof pour que les étudiants puissent venir y utiliser gracieusement toutes les ressources que nos 14 ans d’expérience d’accompagnement de professeurs en souffrance au travail, nous ont permis de concevoir et d’y diffuser. L’étudiant pourra pratiquer 15 étapes d’auto-questionnements pour confronter son envie de devenir professeur à tous les aspects de ce métier auxquels il n’a pas songé, par méconnaissance des réalités de cette profession.
Etre prof au 21e siècle
Si l’étudiant souhaite être conseillé dans son choix, il pourra réaliser avec notre association son Bilan de Personnalité, afin de mieux connaître, dans ses traits de caractère, ceux qui pourraient le mettre rapidement en difficulté dans ce métier, et décider d’agir en amont sur son développement personnel, pour être sûr de réussir sur le moyen et le long terme, en ayant acquis les bons réflexes face à tous types de difficultés, tellement enseigner est devenu complexe au 21e siècle, puisqu’il ne s’agit plus d’enseigner simplement les savoirs de sa discipline, mais aussi d’exercer de multiples rôles au quotidien, tellement le degré de concentration et d’attention des élèves est devenu fragile, volatil, avec le développement exponentiel des écrans et des réseaux sociaux qui les intéressent parfois bien plus que les cours qui leur sont dispensés.
Avant de se précipiter dans une quelconque formation intensive, il pourra prendre le temps d’explorer tout ce qui fait la diversité, et la difficulté, du métier de professeur : savoir gérer son autorité en classe, savoir utiliser et entretenir sa voix, savoir préparer ses séquences pédagogiques avec créativité, pour que lui comme ses élèves y éprouvent du plaisir, savoir agir sur son bien-être personnel au quotidien en pratiquant la cohérence guidée, la sophrologie, pouvoir contacter directement des professeurs expérimentés pour l’aider s’il en a besoin, et analyser en ligne la diversité de leurs productions utilisant tous les outils numériques de notre époque.
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