En cette période de crise sanitaire et de confinement où le télétravail est désormais généralisé à l’ensemble des salariés dont l’activité le permet, parfois dans le cadre d’un plan de continuité de l’activité (PCA), certains d’entre eux, non coutumiers du travail à distance, risquent d’être un peu déstabilisés face à cette nouvelle organisation du travail.
Selon une étude Malakoff Médéric, en 2018, c’est 65% des télétravailleurs français qui craignaient un risque d’isolement social et de perte de l’esprit d’équipe.
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Janique Soulié, Université Clermont Auvergne
En outre, nous nous trouvons ici dans un cas de recours au télétravail pour circonstance exceptionnelle et donc généralement non organisé dans le cadre d’un accord d’entreprise, d’une charte ou d’un avenant au contrat de travail et sans avoir eu le temps, comme recommandé, de préparer et de former ni les salariés ni leurs supérieurs hiérarchiques.
Autre particularité : beaucoup de salariés vont aussi devoir en parallèle garder leurs enfants à leur domicile voire les aider à faire leurs devoirs… tout cela dans des logements parfois exigus.
Aussi, même s’il s’agit d’une situation provisoire, qui risque néanmoins de durer plusieurs semaines, il nous parait utile de donner quelques conseils aux salariés afin de les aider à organiser au mieux, et dans la mesure de leurs possibilités individuelles, leur travail à leur domicile face à cette situation inédite.
Pas de cadre juridique (ou presque)
Le télétravail pour circonstances exceptionnelles, c’est une phrase dans la loi de 2012 (qui marque l’entrée du télétravail dans le code du travail) :
« En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ».
Si les ordonnances dites Macron de 2017 puis la loi de 2018 réaffirment cette possibilité de recourir au télétravail pour circonstances exceptionnelles, elles ne précisent pas davantage le cadre de sa mise en œuvre.
D’autre part, si l’on considère, selon les dernières enquêtes, que 29 % des salariés français auraient désormais recours au télétravail de manière régulière ou occasionnelle, une très large majorité de salariés n’ont donc jamais véritablement expérimenté cette organisation du travail (hormis peut-être pendant les grèves contre la réforme des retraites entre décembre 2019 et janvier 2020). De leur côté, en temps normal, seulement 30 % des entreprises offriraient cette possibilité à leurs salariés ; pour les 70 % restantes, nous pouvons supposer qu’aucun accord ou qu’aucune charte n’encadre ce dispositif.
La rapidité de la mise en place de cette mesure inédite et massive n’a pas non plus laissé le temps d’appliquer les préconisations habituelles relatives à la préparation de l’entreprise et du salarié (comme « autoévaluer » sa situation personnelle ou former les acteurs).
Définir des règles simples
Ainsi, en l’absence de cadre juridique et face à une circonstance exceptionnelle, il paraît essentiel en premier lieu d’instaurer avec son supérieur hiérarchique des règles de fonctionnement « simples ». Il est en effet encore plus important dans la situation actuelle d’établir un cadre qui rassurera les salariés :
- Essayer tout d’abord de définir avec son supérieur hiérarchique une liste des tâches à réaliser à distance en distinguant les tâches prioritaires et les tâches secondaires (qui ne pourront pas forcément être effectuées en cas de difficulté à travailler, par exemple en raison de la présence des enfants) ;
- Organiser son temps de travail : essayer dans la mesure du possible de respecter ses horaires de travail habituels ou au moins s’imposer des horaires fixes (éventuellement, définir des plages de disponibilité avec son supérieur) ; inversement, veiller à ne pas augmenter son temps de travail ; le droit à la déconnexion s’applique aussi aux télétravailleurs !
- Prévoir en lien avec son supérieur hiérarchique les conditions d’une communication simple pendant cette période (échanges quotidiens de mails ou échanges téléphoniques), notamment lorsque les outils du travail collaboratif habituellement déployés dans le cadre du télétravail n’ont pas eu le temps d’être mis en place.
- S’agissant du contrôle du (télé)travail, qui demeure l’un des sujets les plus sensibles dans le cas du télétravail encadré, dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons que conseiller aux managers de savoir faire preuve de souplesse, de compréhension et de faire confiance à leurs salariés.
Aménager son espace de travail
Si les télétravailleurs « réguliers » ont normalement reçu des conseils d’aménagement de leur espace de travail à leur domicile et ont été sensibilisés aux mesures de prévention des risques liés au télétravail, nous résumons ici quelques-unes des bonnes pratiques essentielles à l’attention des salariés non coutumiers du télétravail.
S’agissant des risques physiques, il s’agit notamment des risques visuels et des troubles musculo-squelettiques :
- S’aménager si faisable un espace dédié, bien éclairé et le plus calme possible (dans l’idéal dans une pièce séparée des espaces de vie ou au moins dans un coin du salon) afin également de séparer le plus possible vie professionnelle et vie personnelle, surtout en présence d’enfants ;
- S’agencer un espace le plus ergonomique possible (par exemple, essayer d’utiliser plutôt une chaise de bureau qu’une chaise de cuisine, penser à sa posture, l’écran de l’ordinateur doit se situer à la hauteur des yeux).
- Penser à faire régulièrement des pauses et respecter une vraie coupure pour le déjeuner. Selon l’organisation Officiel Prévention, il s’agit d’« avoir un rituel de travail assez constant : heures de début et fin de travail, de repas ou collation » et de « s’accorder une pause d’au moins 15 minutes toutes les deux heures ; ces pauses doivent avoir lieu hors du poste de travail pour quitter la position assise, se lever, s’étirer et marcher ».
Maintenir le lien social
Enfin, parmi l’ensemble des risques psychosociologiques habituellement attribués au télétravail, c’est le maintien du lien social qui nous semble essentiel dans cette période de confinement : si le contact doit naturellement être gardé avec son supérieur hiérarchique, le lien doit aussi se maintenir avec ses collègues en faisant des points réguliers ou juste pour prendre des nouvelles.
Naturellement la possibilité d’appliquer ces quelques conseils va dépendre de la situation personnelle de chacun (conditions matérielles, surface du domicile, présence des enfants…).
Aussi, rappelons que si, malgré tout, la conciliation du télétravail avec la vie personnelle s’avère vraiment trop difficile, il est toujours possible pour le salarié, dans la situation exceptionnelle actuelle, de demander à son employeur de pouvoir bénéficier d’un arrêt pour garde d’enfants.
Janique Soulié, Maître de conférences en GRH – Laboratoire ClerMa, Université Clermont Auvergne
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.