Qu’il s’agisse de retrouver son poste ou de changer de voie, retourner au travail après avoir combattu la maladie n’est pas une mince affaire. Ces femmes ont tiré les conséquences de leur situation pour mieux rebondir.
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Paule, 57 ans, Gironde
« En février 2016, j’étais dans un état de fatigue énorme que j’ai mis sur le compte de mon investissement professionnel. J’occupais un poste à la direction des ressources humaines d’un établissement public et je partageais mon temps entre Bordeaux et Paris. Pour mon médecin, il s’agissait d’un burn-out. Puis, une boule au visage est apparue. J’ai été opérée. Après un mois sans nouvelle, j’ai appris qu’il s’agissait d’un lymphome au stade 4, donc très avancé. En août, j’ai entrepris une chimio et une immunothérapie. Après deux années de lutte et ses effets physiques et psychologiques délétères – j’avais perdu beaucoup d’énergie, je n’arrivais même plus à lire une heure d’affilée moi qui aimais tant ça – je me demandais si je serais encore capable de travailler.
Raccrocher les wagons
En janvier 2018, j’ai repris le travail en mi-temps thérapeutique. J’étais anxieuse et je doutais. Quand je suis arrivée, on m’avait déjà collé un projet avec un échéancier à court terme. Chaque lundi et mardi, j’allais à Paris. Mais je n’étais plus la même. Alors qu’il aurait fallu poser les problèmes, j’ai eu un entretien de 10 minutes avec ma responsable. Point. Je voulais organiser une réunion avec le médecin du travail et l’assistante sociale mais elle m’a dit que c’était impossible. Comme dans nombre d’entreprises, c’est moins la malveillance que l’absence de prise de conscience de l’impact des traitements dont il s’agit. Bref, deux mois après mon retour, j’ai dû m’interrompre à nouveau. J’avais perdu 4 kilos.
Aujourd’hui, j’envisage l’invalidité. Je n’ai pas envie de me mettre en danger. Je souhaite m’investir en tant que bénévole pour aider des malades ou apprendre le français à des migrants. Le travail n’est plus une priorité car j’ai pris conscience de la fragilité de la vie. »
Frida, 34 ans, Essonne
« Mon cancer du sein détecté il y a deux ans s’est accompagné de son lot de traitements. Et je me fais opérer prochainement d’une double mastectomie prophylactique. Après un an d’arrêt, la reprise de mon poste de responsable dans la structure de formation se passe bien car elle a été anticipée avec ma directrice. Puis, j’ai été soutenue par mon équipe. Aujourd’hui, j’occupe le même poste. Je bénéficie d’un temps partiel thérapeutique et d’une journée de télétravail par semaine. Cela me permet de me reposer, de prendre du temps pour moi et de profiter de mon fils. J’ai réorganisé les activités en fonction des priorités. Mes facultés intellectuelles ont été mises à rude épreuve par la chimio qui anéantit les neurones et les facultés de mémorisation ! Je ne le savais pas. Des tonnes de post-it ornent mon bureau et me rappellent ce que je dois faire.
En mode projet
Une fois que la maladie vous a frappé, vous savez mieux ce que vous voulez ou pas. Vous cherchez plus d’épanouissement, un meilleur équilibre vie pro/vie privée, d’autres priorités, de meilleures conditions de travail. J’adore mon métier et n’ai pas envie d’en changer mais j’ai besoin de prendre de la distance. J’ai donc opté pour une VAE (Validation des acquis de l’expérience) un peu thérapeutique car elle m’aide à faire le point et doit me permettre de décrocher le diplôme en lien avec mon expérience, un master 2 Executive master management de la formation de Paris-Dauphine. Objectif : renforcer mon employabilité. Demain, j’aurais peut-être besoin de postuler ailleurs et ce nouveau bagage m’y aidera. »
Frédérique, Val, Nadia… des indépendantes au combat
Frédérique est devenue maraîchère quelques mois après le diagnostic de cancer. « Depuis je cumule les traitements mais le travail reste un leitmotiv. Même si je peine physiquement, je vais à mon rythme et j’adore mon boulot. » De son côté, Val, infirmière à domicile, était associée quand elle a appris sa maladie. « Pendant les traitements, je n’ai reçu aucun message hormis pour demander quand je reprenais le travail ! Choquée, j’ai décidé de revendre ma maison pour créer mon propre cabinet. Mon combat contre la maladie m’a donné la force de ne pas lâcher. Un an plus tard, ma meilleure amie m’a rejointe. Que du positif ! » Quant à Nadia, indépendante lorsqu’elle est tombée malade, elle a voulu se réaliser autrement. « J’ai stoppé une activité qui marchait bien pour devenir professeure, métier dont j’ai toujours rêvé. Aujourd’hui, j’enseigne la vente. Je suis comblée. La maladie m’a poussée à oser. »
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Pour amortir le choc, définissez vos objectifs et préparez-vous. Obstacles à lever et solutions pour reprendre sa carrière en main, tout savoir pour rebondir au mieux.
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Maddy, 36 ans: J’étais en freelance au moment du diagnostic. J’ai repris avec la même boite après 18 mois (j’ai eu un an de traitements intensifs: multiples opérations, chimiothérapies, radiothérapies). J’avais un poste de commercial, en développement, avec beaucoup de stress car des projets à long terme, et une rémunération à long terme. En revenant, je me suis imaginé que tout allait être comme avant, que j’allais repartir et que ca allait marcher pour moi… En vérité, je n’étais plus sur la même longueur d’onde en objectifs de vie, tout cela me paraissait tellement artificiel… J’avais l’impression de me déguiser le matin pour faire un truc qui ne s’alignait plus avec ce que j’avais réellement envie. Le sentiment d’être en total décalage avec mon âme. Quand on passe de l’autre côté de la barrière, et qu’on revient, on a envie de vivre intensément, de ne plus subir sa vie, mais de la vivre. Chaque journée nous paraît tellement précieuse. On ne veut pas gâcher notre temps, et l’argent ne passe plus en priorité. Bien sûr qu’il faut s’assurer d’avoir un minimum d’argent pour vivre, mais le plus important est de prendre plaisir à vivre et de se consacrer à notre « liste de vie ». J’ai rédigé mes objectifs, mes rêves, et maintenant je m’attache à les planifier pour être certaine de ne pas passer à côté. Je suis sur le départ pour revivre autre chose qui me correspond complètement. Et même si mon avenir n’est pas clairement dessiné, j’accepte, et je sais désormais ce que je ne veux plus. J’ai moins peur de renoncer quand je sens que ce n’est plus juste pour moi, et j’ai appris à m’écouter, bien que ce ne soit pas quelque chose qu’on nous enseigne.