Les métiers de la sécurité du numérique sont-ils réservés aux hommes ?

En 2018, la sécurité du numérique génère de plus en plus d’emplois, selon le baromètre du numérique de l’Institut Mines Télécom). Pourtant, on rencontre encore très peu de femmes dans le secteur de la cybersécurité. Pourquoi si peu de candidates féminines osent s’aventurer dans les formations de haut niveau menant à ces métiers ?

Gérard Peliks, Pôle Léonard de Vinci – UGEI

Parce que les métiers de la sécurité du numérique, domaine évidemment très technique, sont faits pour les hommes. Parce que les femmes, plus sensibles, se dirigent vers les sciences humaines. Parce que, placée sous la grêle d’une cyberattaque, une femme perd ses moyens. Dans une cellule de crise, il est bien connu que seul l’homme peut développer une résistance au stress suffisante qui lui évite de faire des bêtises, alors qu’une femme est sujette à une crise de nerfs et perd ses moyens.

Passer outre les clichés

Vous jugez complètement débiles les assertions qui précèdent ? Moi aussi.

Mais il est vrai que la proportion de femmes dans la cybersécurité n’avoisine, selon une étude du consortium ISC2, que les 11 %. Étant donné que la femme est l’égale de l’homme, il devrait y avoir parité.

J’ai osé au début de ce texte, d’autres assertions tout aussi fausses. Par exemple que les métiers de la sécurité ne font appel qu’à des compétences très techniques. C’est faux : la sécurité du numérique va bien au-delà du développement de programmes et d’algorithmes de chiffrement ou de big data, ou encore du paramétrage de routeurs, de coupe-feux et de sondes de prévention d’intrusion. Le juridique, l’intelligence économique et le management de projets ont aussi toute leur place.

Parlons d’un des aspects les plus ardus (et les plus intéressants) de la cybersécurité : la cryptologie. Je connais d’excellentes cryptologues et cryptanalystes, certaines avec un doctorat, qui plongées dans un milieu essentiellement masculin, forcent le respect. Au début on les écoute poliment, mais bien vite on se laisse guider par leur jugement et leurs compétences. Quand on explique le mécanisme du chiffrement, on dit que « A » chiffre et « B » déchiffre. Mais dans la littérature de la cryptologie, A s’est vite transformé en « Alice » et B s’est transformé en « Bob ». Il y a là parité entre l’homme et la femme. Il y a même, dans cette iconographie « E » (comme eavesdropper) et E s’est transformé en « Eve ». Donc dans l’imagerie de la cryptologie, on compte plus de femmes que d’hommes !

File 20180801 136649 1p5ktg9.jpg?ixlib=rb 1.1

Peu de femmes se dirigent vers les métiers de la cybersécurité.
Shutterstock

Récemment dans un évènement auquel j’ai participé, sur la cybersécurité, il y avait une table ronde composée uniquement d’hommes. L’un d’eux a fait remarquer qu’il était dommage qu’on n’ait pu trouver de femmes pour se joindre à eux « malgré que le sujet fût très technique (sic) ». Avait-il vraiment cherché ? Dans l’amphi, une dame s’est levée pour dire que ça pouvait s’arranger, il suffisait de lui proposer de se joindre aux intervenants. Ce qui fut fait, et je peux affirmer que passées les premières secondes, tous les participants écoutaient Claire Deflou-Caron, présidente de Govership, qui fut très brillante et tout à fait dans le thème de la table ronde.

Les raisons du blocage

Pourquoi, donc, rencontre-t-on si peu de femmes dans les métiers de la sécurité du numérique ? La réponse est évidente : parce que trop peu de femmes s’engagent, encore aujourd’hui, dans les cursus de l’enseignement supérieur, MBA, masters, mastères professionnels, écoles d’ingénieurs qui mènent aux métiers de la sécurité.

Pourquoi ? Il y a là, je pense, un aspect culturel, qui commence dès le plus jeune âge, et cela doit changer rapidement. Les matières scientifiques pour les garçons, les matières littéraires, sociales et juridiques pour les filles ? C’est absurde, il est temps de passer outre ces clichés et de guider, dès le collège, les jeunes talents, hommes et femmes, vers les métiers de la cybersécurité pour lesquels on manque tant d’experts.

Des solutions existent

Des associations comme le CEFCYS (CErcle des Femmes pour la CYberSécurité, présidé par une docteure en informatique, Nacira Salvan, avec une vice-présidente docteure en droit, maître Isabelle Landreau contribuent à faire évoluer les mentalités. L’association CyberEdu) que j’ai l’honneur de présider, créée par l’ANSSI, dont la mission est de former les formateurs de l’enseignement supérieur pour qu’ils ajoutent des éléments de sécurité du numérique dans leur cours, a noué un partenariat avec le CEFCYS pour remédier au fait que la cybersécurité semble ne concerner que la moitié de la population, alors qu’il y a tant d’opportunités de faire carrière dans ce domaine passionnant et d’avenir. Le CEFCYS par les évènements qu’il organise, ainsi que grâce à ses interventions dans d’autres évènements autour de la cybersécurité, rencontre un succès toujours renouvelé. Beaucoup de femmes adhèrent à cette association, qui est d’ailleurs aussi ouverte aux hommes.

Venez, mesdames, dans les formations en cybersécurité, vous y avez votre place et vous ne le regretterez pas.The Conversation

Gérard Peliks, Expert sécurité, directeur adjoint du MBA Management de la Sécurité des Données Numériques de l’Institut Léonard de Vinci, Pôle Léonard de Vinci – UGEI

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Leave a Comment